Nathalie Emmanuel se confie

Comme un diamant naturel,
l’actrice brille de mille feux.

Photos: Andrés Jaña

Stylisme: Alexandra Mandelkorn

Rédaction: Maggie Morris

JE ME PINCE SOUVENT. JE NE M’ATTENDAIS PAS À CE QUE MA VIE PRENNE CE CHEMIN.

OND:À quoi vous attendiez-vous ?

NE: Je veux dire que cela n’arrive jamais à la plupart des gens – tant d’artistes extraordinaires n’ont jamais eu la carrière que j’ai eue. Je me sens tellement chanceuse. Parfois, j’ai l’impression que c’est le destin, cette force du monde qui ne dépend pas de moi, qui m’a dit : «Tu vas faire ça». Je ne considère pas cela comme acquis. J’ai tendance à le minimiser, à garder la tête baissée et à continuer à me dépasser…

Je viens de terminer The Killer, le remake du film de 1989 de John Woo. C’est incroyable de se voir confier cette responsabilité du premier rôle féminin. Il y a beaucoup de cascades, beaucoup d’entraînement physique, et c’est aussi un grand personnage. Il y a vraiment du cœur et de l’émotion dans ce film palpitant et plein d’action.

OND: Vous avez joué dans de nombreux films d’action – comment cela se passe-t-il pour vous ? Êtes-vous une personne active et athlétique?

NE: J’aime l’action. J’ai une formation de danseuse. J’ai commencé le ballet à l’âge de deux ans et j’ai fait du contemporain, des claquettes, de la street dance, toutes sortes de choses. La chorégraphie des cascades est une danse. On s’entraîne généralement pour les séquences de combat avec la personne avec laquelle on va tourner. On se connecte au fur et à mesure que l’on s’entraîne. C’est aussi un jeu intellectuel, qui consiste à sentir où l’on peut aller plus vite ou plus fort. Le jour du tournage, on s’amuse beaucoup. Pour ce rôle (The Killer), il n’y avait pas que le côté physique. John tourne des films d’action très dynamiques, mais c’est un romantique, même dans ses séquences de combat.

OND: Je voudrais parler un peu des bijoux. Ce que nous choisissons de porter constitue une part importante de notre personnalité. Je sais que vous avez de nombreux piercings et que vous portez beaucoup de bijoux. Tout d’abord, pouvez-vous partager votre premier souvenir d’un diamant ?

NE: Ma mère et mon père avaient deux boules de cristal dans notre armoire que je prenais pour des diamants. À l’époque, il y avait une émission de télévision britannique intitulée The Crystal Maze, dans laquelle les concurrents devaient relever des défis pour trouver un cristal, alors ma sœur et moi pensions qu’il s’agissait de diamants rares et précieux dans notre maison. Nous n’avions pas le droit de les toucher, mais lorsque nos parents sortaient, nous allions dans l’armoire et les tenions. (rires)

Quant aux vrais diamants, ma grand-mère achetait beaucoup de bijoux. Elle portait toujours de gros bijoux en or avec des diamants ou des pierres précieuses.

OND: Vous a-t-elle déjà laissé porter ses bijoux ?

NE: Sur la fin de sa vie, elle aimait offrir ses bijoux. J’ai quelques-uns de ses bijoux que je garde précieusement. Elle m’a donné une bague que mon grand-père lui avait offerte pour un anniversaire ou quelque chose comme ça. Il faut que je la fasse resserrer avant de la porter, ce serait terrible de la perdre. J’ai perdu ma grand-mère très récemment et son décès m’a immédiatement fait penser à l’impact qu’elle a eu sur moi. Elle avait toujours des bijoux sympas, elle portait toujours de gros colliers et boucles d’oreilles en or. Je remarque maintenant que j’ai porté des bijoux comme elle, sans me rendre compte de ce lien. Culturellement aussi, on le voit dans la façon dont  la culture hip-hop a influencé tout le monde avec les bijoux, mais je pense que les styles de bijoux que je porte viennent de ma grand-mère.

C’EST DE L’ART. UN SAVOIR-FAIRE, des compÉnces spÉcifiques et DES HEURES DE TRAVAIL SONT INDISPENSABLES POUR CRÉER DE TELS BIJOUX.

OND: Pouvez-vous nous parler des bijoux que vous portez au quotidien ? 

NE: Je fonctionne un peu comme une pie. Je ramasse des bibelots et des choses sympas dans différents endroits – ils deviennent une partie de moi. J’ai une bague en diamant que j’ai trouvée dans une bijouterie en Égypte. J’étais en vacances après avoir terminé mon premier rôle principal (dans Quatre mariages et un enterrement). Ce rôle représentait une grande responsabilité. Lorsque j’ai terminé, je me suis dit : « Je n’arrive pas à croire que j’ai fait ça ».

Lorsque j’ai vu cette bague en diamant en Égypte, je l’ai voulue pour moi. Elle était si belle, avec une forme et une couleur intéressantes – ce n’était pas un diamant jaune, mais légèrement champagne. Il est serti d’une manière très raffinée, très délicate.

Il n’était pas aussi gros et cher que les bagues en diamant peuvent l’être, mais c’était quand même une étape pour moi de m’acheter quelque chose d’aussi cher. Je ne suis pas une personne frivole. Avant cela, je n’avais jamais dépensé autant pour quoi que ce soit. Quand on ne peut pas compter sur la richesse de la génération précédente, on pense qu’il faut économiser et toujours faire attention à l’argent. Le fait que j’aie acheté ce bijou et que je n’aie pas consacré cette somme à l’achat d’une maison ou autre, c’était très important. J’ai dû me convaincre que ce n’était pas grave, tu as travaillé pendant des mois, alors achète-toi une bague, ma fille ! J’adore cette bague.  Le fait que j’aie pu me l’offrir la rend encore plus spéciale. Elle m’obsède. Je la porte tous les jours à mon petit doigt.

OND:J’adore cette histoire. La valeur des bijoux est tellement personnelle. Le bijou que vous avez reçu de votre grand-mère, la bague que vous avez achetée en Égypte et la valeur qu’ils symbolisent. Ces pièces signifient tellement de choses.

NE: Absolument. Cette bague a bien plus de valeur que ce qu’elle a coûté à l’achat. Aujourd’hui, m’offrir de belles choses est devenu une habitude. Je m’achète toujours un cadeau de Noël et un cadeau d’anniversaire. En général, il s’agit d’un bijou ou d’un programme de soins dont j’ai toujours rêvé. Je pense que c’est important.

L’IDÉE QUE L’ON ME PERCOIVE COMME UNE PERSONNE AUTHENTIQUE EST UN VRAI COMPLIMENT.

OND: Y a-t-il des diamants que vous avez portés sur le tapis rouge et qui vous ont donné l’impression d’être spéciale ?  

NE: L’une des premières fois où j’ai porté des diamants que l’on m’avait prétés – plusieurs bagues avec des pierres précieuses multicolores entourées de diamants, lorsque la styliste avec laquelle je travaillais à l’époque m’a dit ce que valaient ces pièces, j’ai failli m’étouffer avec ma tasse de thé. La façon dont les êtres humains attribuent une valeur, voire un statut ou un pouvoir, aux choses est fascinante. L’idée que quelqu’un me laisse porter ces diamants pour une nuit a été une grande expérience. Je me souviens avoir regardé mes mains toute la nuit, submergée par la valeur des bijoux et leur beauté. C’est de l’art. Un savoir-faire, des compétences spécifiques et des heures de travail sont indispensables pour créer de tels bijoux.

OND: J’adore votre pull.

NE: Je porte un sweat-shirt qui dit littéralement « Mec, mange des plantes, c’est cool » (rires). Il y a un rappeur britannique, JME qui est un véritable défenseur de l’alimentation à base de plantes. Je l’ai entendu dans une interview parler de la production de masse de viande ou de produits laitiers, et il a dit, nonchalamment, « Mec, mange des plantes, c’est cool ». Cela m’a fait rire. Alors, mon ami l’a mis sur un pull-over pour moi !

OND: Je sais que vous êtes très attentive à ce que vous mangez. Pourriez-vous nous parler de votre décision de devenir végan et de ce que cela signifie pour vous ?

NE: Il y a une dizaine d’années, j’étais à Los Angeles pour mon travail, et une de mes amies s’y trouvait à la même époque pour étudier la nutrition holistique. Elle m’a parlé du lien entre l’alimentation et les maladies, en particulier les cancers féminins. Lorsque je lui ai demandé quels étaient les premiers avantages d’un régime végan, elle m’a répondu : « Tu auras plus d’énergie, tu dormiras mieux et tu auras les idées plus claires ». J’ai donc décidé d’essayer pendant une semaine. Il est facile de manger végan à Los Angeles.

Les gens ont commencé à me faire des commentaires sur mon apparence. Quelqu’un m’a dit : « Tu es rayonnante, qu’est-ce qui se passe ? » Et j’ai répondu : « Vraiment ? » J’ai remarqué que ma digestion était meilleure. Je me réveillais avec plus d’énergie et je me sentais plus claire mentalement. J’ai donc décidé de continuer. J’ai commencé à cuisiner pour moi-même, ce qui a été un désastre au début. Ma famille est d’origine antillaise et je voulais réussir à manger des aliments à base de plantes tout en gardant un lien avec mes traditions culinaires. J’ai consulté Google et j’ai découvert que la religion rastafari comportait beaucoup de plats végan. La façon dont ils se nourrissent de la terre est très peu transformée et biologique. J’ai commencé à préparer de grandes marmites de ragoûts. Lorsque je suis retournée au Royaume-Uni, ma mère m’a préparé un grand curry de chèvre, du riz et des pois, des bananes plantains, tous mes plats préférés. C’était délicieux, ces plats réconfortants préparés à la maison, mais je ne m’y sentais plus à ma place. Ma famille m’a beaucoup soutenue. Ma mère est également végan aujourd’hui.

 NOUS AVONS LA RESPONSABILITÉ, EN TANT QU’ÊTRES HUMAINS, DE PRENDRE SOIN DE LA PLANÈTE SUR LAQUELLE NOUS VIVONS.

OND: C’est très intéressant à entendre – comme beaucoup de choses transmises par la famille, l’alimentation est aussi une histoire de génération en génération. C’est très beau de voir comment vous avez cherché à rester en contact avec vos racines caribéennes tout en apportant des changements importants à votre alimentation.

NE: Absolument. Nous avons quelques rastafariens dans notre famille. Plus tard, les sentiments liés au bien-être des animaux et à l’environnement sont apparus – une fois que vous commencez à vous intéresser à ce sujet, vous ne pouvez pas ne pas voir certaines choses. En tant qu’êtres humains, nous avons la responsabilité de prendre soin de la planète sur laquelle nous vivons. Changer son mode d’alimentation a un impact énorme en termes d’empreinte carbone si vous calculez la quantité d’eau nécessaire à la fabrication d’un hamburger ou la quantité de terres déboisées pour faire paître la vache dont provient votre hamburger.

OND: Vous rayonnez d’une grande authenticité.

NE: Je ne sais pas quoi dire. J’essayais juste de dire les choses à dire avec une certaine autodérision. Je suis anglaise et je ne sais pas comment prendre un compliment. Je vous remercie. Je travaille dans une industrie qui peut paraitre très superficielle. Il est facile de se laisser prendre par tout cela, alors l’idée que quelqu’un me trouve authentique est un vrai compliment.