Les Rebelles : le Dr Alison Shaw
« Ce n’est pas parce que d’autres femmes n’ont jamais fait quelque chose auparavant que vous ne pouvez pas y arriver. »
Alison Shaw a grandi à Vancouver, au Canada, entourée de montagnes et de lacs glaciaires tout en pouvant bénéficier des merveilles offertes par cette grande ville de 630 000 habitants. Alison se dit admirative de sa mère, scientifique et son père, ingénieur, « des modèles inspirants », se souvient-elle. Sa famille favorisait les activités de plein air, « on faisait de la randonnée en famille, et on passait beaucoup de temps à explorer la nature environnante », ajout-elle.
Bien que férue d’art et de musique, à l’école, Alison se sentait plutôt attirée par les sciences physiques et les langues. C’était une élève particulièrement appliquée dans ces matières, qui la passionnaient. C’est à l’école qu’elle vécut « le » moment déterminant, celui qui allait la faire basculer dans l’univers du diamant. « Un professeur nous a amené une collection de gemmes tout à fait remarquable. Jusqu’ici, je n’avais encore jamais vu de diamant brut, encore incrusté dans la roche. C’est très rare. Plus vous en apprenez sur les diamants d’un point de vue scientifique, plus ils en deviennent fascinants. Aucune autre pierre nous en apprend autant sur les entrailles de la Terre. Les diamants nous renseignent sur des atmosphères disparues, sur la formation des continents. Je souhaitais en savoir plus.
Motivée par son amour de la Nature, Alison s’est dirigée vers des études de géologie et passait ses étés à travailler pour des sociétés minières. À l’époque, dans cette industrie, le fait d’être une femme représentait un handicap. « Je postulais pour des jobs d’été, mais dans les années 90, le secteur était encore très masculin et certaines entreprises rechignaient à embaucher des femmes. Quand je demandais pourquoi, on me répondait qu’il leur fallait des hommes forts pour porter des pierres et que ce serait trop « dur » pour une femme – comme si c’était si difficile que cela ! Ce préjugé sexiste ne me donnait pas envie de travailler pour eux non plus. »
Plus tard, diplômée en géologie, Alison a eu l’occasion de partir en expédition au Costa Rica et au Nicaragua. Elle a adoré. « Nous étions un groupe de trois géologues filles, et nous avons escaladé tous les volcans du Costa Rica et du Nicaragua, y compris le Momotombo qui culmine à près de 1 300 mètres. Certaines des cheminées du cratère de Momotombo atteignaient une température de 700 degrés C. Nous sommes devenues les premières étudiantes internationales à escalader certains de ces volcans, ce qui était incroyable”.
Bien qu’elle soit une femme qui voyage et installe son camps dans les endroits les plus reculés, Alison s’est toujours sentie en sécurité.« Nous avons voyagé en groupe et travaillé avec des universités locales. Pour moi la question de sécurité était davantage liée au travail en lui-même. Nous avons fait des randonnées difficiles, avec du matériel. Un faux pas et vous pouviez tomber, sans parler des serpents à sonnette ! »
Après sa licence, Alison a d’abord poursuivi une carrière universitaire. En 2005, suite un post-doc à la Carnegie Institution for Science à Washington, elle est devenue professeure-chercheuse à l’Institut Océanographique de Woods Hole dans le Massachussetts avant de décider de travailler dans l’industrie minière.
Aujourd’hui, Alison est géochimiste en chef chez Lorax Environmental Services. En collaboration avec le groupe De Beers, ses équipes de recherche et développement explorent les moyens de réduire l’impact environnemental de l’exploitation minière. Pionnière du genre, son étude analyse les façons dont les roches diamantifères peuvent aider à lutter contre le changement climatique en capturant et en stockant le carbone.
« Je dirige le projet intitulé « Piège à carbone », qui consiste à transformer la kimberlite en roche carbonée », explique Alison. Roche volcanique rare, la kimberlite, où se forment les diamants, provient des entrailles de la terre. Son exposition au dioxyde de carbone, un fois en surface, crée une réaction intéressante, dûe à sa composition. « En exploitant la kimberlite, vous exposez en fait de nouvelles surfaces rocheuses qui peuvent absorber et donc réduire le dioxyde de carbone. A l’avenir, ce projet pourrait jouer un rôle important dans la réduction du CO2 de notre atmosphère, en l’emprisonnant dans la roche. »
Sa collaboration avec le groupe De Beers a changé son regard, plus qu’en bien, sur la question de l’égalité des sexes dans l’industrie du diamant.
« J’ai été ravie de constater que non seulement le nombre de femmes étaient en augmentation dans l’entreprise, mais qu’elles étaient de plus en plus nombreuses à y occuper des postes à responsabilité. »
” Cette diversité visible rend l’environnement plus accueillant. » On est loin de l’époque où Alison se retrouvait souvent face à des portes fermées aux femmes géologues.
Afin d’aider davantage les femmes et jeunes diplômés à entrer dans la profession, Alison a rejoint le programme de mentorat Engineers and Geoscientists BC (Ingénieurs et géo-scientifiques de Colombie-Britannique). “Le programme vous met en relation avec des membres juniors et j’ai constaté que beaucoup de femmes, en particulier, venaient s’adresser à moi. J’aime les conseiller, les aider à atteindre leurs objectifs de carrière. En tant qu’ex- professeur, guider les autres est comme une seconde nature pour moi. Le conseil d’Alison à une fille qui souhaite suivre ses traces est empreint de bon sens : “Trouvez ce qui vous passionne, et souvenez-vous que votre réussite dépendra de votre travail et de votre implication. » De plus, sachez que ce n’est pas parce que d’autres femmes n’ont jamais fait quelque chose auparavant que vous ne pouvez pas y arriver. Prenez l’ascension du Momotombo : on pensait qu’une femme en serait incapable, mais je suis devenue l’une des premières diplômées en géologie au monde à y parvenir. Sachez que vous pourrez toujours franchir les obstacles qui barrent la route que vous vous êtes tracée.