Le périple d’un diamant
Chaque diamant naturel a une histoire passionnante qui remonte à des milliards d’années jusqu’aux profondeurs de la terre. Son voyage depuis le cœur de la terre est une aventure épique dans laquelle les écologistes et les géologues doivent jouer un rôle essentiel.
Lorsqu’un bijoutier monte habilement un diamant sur une bague de fiançailles ou un bracelet, cette action est la dernière étape d’un voyage qui débute bien avant que l’homme ne foule la surface de la terre. En fait, il remonte à une époque où la vie sur terre n’existait pas encore, où le monde n’était rien de plus qu’un magnifique paysage vierge.
Les diamants se sont formés à plus de 160 kilomètres sous la surface de la terre, il y a environ un à quatre milliards d’années et leur histoire est celle d’une incroyable survie contre toute attente. Les diamants sont donc rares, mais en regardant comment ils ont été créés, c’est un vrai miracle qu’ils existent.
Un départ fulgurant
Les diamants se sont formés alors que le monde était complètement déstructuré. La terre primitive n’avait pas plusieurs continents et d’îles comme nous les connaissons aujourd’hui, mais un seul et unique continent géant. Lorsque la roche en fusion du noyau terrestre a séparé cet immense continent en plusieurs morceaux, une pression immense a été créée. Dans les zones où la pression et la chaleur se sont combinées parfaitement, le carbone a été transformé en une structure atomique unique, dotée d’une luminescence et d’une dureté étonnantes : le diamant était né.
Le voyage du diamant vers la surface de la terre est un autre miracle violent: il y a entre 50 et 100 millions d’années, les diamants ont été catapultés vers la surface de la terre lors d’éruptions volcaniques. Ils se trouvent, alors, dans une roche appelée kimberlite, qui forme des cheminées volcaniques en forme de cône à environ un kilomètre de profondeur dans des régions les plus rudes et les plus extrêmes du globe, comme le nord glacial du Canada et les déserts brûlants du Botswana.
La kimberlite est difficile à trouver, mais sa rareté est sans commune mesure avec celle des diamants eux-mêmes. La majorité des cheminées de kimberlite ne contiennent aucun diamant, 15% contiennent des diamants et seulement 1% est économiquement exploitable. L’évaluation de la viabilité d’une mine potentielle fait l’objet d’une réflexion très approfondie ; la priorité est de calculer l’impact sur l’environnement et la population locale, en veillant à ce qu’ils en bénéficient.
Consulter les communautés locales
Avant de commencer toute exploitation minière, des études approfondies sont menées pour déterminer l’impact culturel, socio-économique et environnemental. Les producteurs de diamants adhèrent à des normes environnementales strictes et élaborent des plans de gestion, de contrôle et de protection de l’environnement. Ces plans sont établis en collaboration avec les communautés autochtones, ainsi qu’avec les administrations locales et nationales, dans le cadre d’un processus complet d’engagement multipartite qui intervient plus d’une décennie avant la récupération du premier diamant.
Allison Rippin Armstrong est une consultante en environnement, en société et en gouvernance chargée d’évaluer l’impact des mines sur l’écosystème et de déterminer comment elles peuvent apporter le plus grand bénéfice à l’économie locale tout en garantissant un impact minimal sur l’habitat naturel.
«Nous impliquons la population locale à chaque étape du processus, depuis l’évaluation de la viabilité d’une mine potentielle jusqu’à son exploitation et parfois même à sa fermeture éventuelle. Il s’agit d’être transparent et de dialoguer avec les communautés. Nous devons bien les entendre, sans vouloir dicter ce qui va se passer.»
Allison Rippin Armstrong dit avoir appris à voir le monde différemment depuis qu’elle travaille avec les populations locales dans le nord du Canada. «Pour évaluer les impacts potentiels d’une mine, nous sommes prêts à engager divers experts, comme des botanistes, des ornithologues ou des mammalogistes. Les peuples autochtones m’ont appris à avoir une vision plus holistique du monde. Ils ne considèrent pas ces questions comme étant des problèmes individuels, pour eux tout est lié et tout dans le monde naturel est important.»
«Les peuples autochtones m’ont appris à avoir une vision plus holistique du monde. Ils ne considèrent pas ces questions comme étant des problèmes individuels, pour eux tout est lié et tout dans le monde naturel est important.»
«On voit de très bons exemples à travers le monde de sociétés minières et des peuples autochtones qui travaillent ensemble. Pour qu’une exploitation minière soit la plus responsable possible, la participation du gouvernement est essentielle.»
Le travail du groupe De Beers au Canada en est un exemple remarquable. L’entreprise collabore étroitement avec les communautés et les autorités autochtones et signe des conventions avec elles afin d’assurer qu’elles en bénéficient avant même le début de l’exploitation des diamants. Voilà un autre exemple de l’incroyable contribution de l’industrie du diamant; là où elle est le plus nécessaire c’est à dire dans ces régions les plus isolées du monde aux ressources et aux possibilités limitées.
Une empreinte légère
Les compagnies minières ne procéderont pas à l’exploitation si elles ne sont pas sûres de pouvoir le faire d’une manière écologique responsable et d’apporter une contribution positive durable à la communauté. Et lorsqu’elles décident d’aller de l’avant, le processus d’extraction des diamants est beaucoup moins bouleversant que l’on pourrait croire, selon le Dr John Armstrong, géologue et vice-président des services techniques de Lucara Diamond.
«L’exploitation minière souterraine nécessite la création de tunnels horizontaux creusés à une centaines de mètres sous terre, a-t-il déclaré. Mais comme la kimberlite se forme dans des conduits relativement étroits, la surface occupée par les mines est faible par rapport à d’autres types d’exploitation. Aucun produit chimique ou toxique n’est utilisé, car une fois sortis du sol, les diamants sont facilement extraits de la roche qui les abritait.»
«Aucun produit chimique ou toxique n’est utilisé, car une fois sortis du sol, les diamants sont facilement extraits de la roche qui les abritait.»
«Une fois dégagée du sol, la kimberlite est broyée en petits morceaux et mélangée à de l’eau. Les rayons X aident à localiser les diamants dans le mélange, après quoi ils sont extraits à l’aide d’un simple jet d’air comprimé. Le mélange restant d’eau et de kimberlite est stocké dans un entrepôt».
Le Dr Armstrong ajoute: «Nous veillons à utiliser les ressources naturelles de manière la plus responsable possible. Par exemple, nous recueillons l’eau utilisée pendant la phase de l’exploitation minière et la réutilisons pendant le dégagement de la roche encaissante. Tout est planifié dans les moindres détails. Comme une mine a une durée de vie limitée, une partie de notre travail consiste à déterminer ce qu’il faut faire une fois l’exploitation terminée. Nous nous efforçons, alors, de remettre le site dans son état naturel d’origine, en remplaçant la roche et le sol et permettant ainsi à la terre de se revégétaliser naturellement.
Une attente qui en vaut la peine
«En tant que géologue, les diamants me fascinent, explique Victoria Ziegler, directrice des services techniques et des laboratoires chez De Beers Exploration. Un diamant même brut est tout simplement magnifique: il a cet incroyable feu interne, une brillance que l’on ne retrouve dans aucun autre minéral. En tranchant un diamant brut, on peut y voir son histoire et les différents événements de sa croissance qui ont contribué à sa formation il y a des milliards d’années. Les diamants ont une conductivité thermique très élevée. Ainsi, si vous en tenez un, il se réchauffe très rapidement dans votre main et si vous le posez sur un morceau de glace, la glace fond presque instantanément.
« Un diamant même brut est tout simplement magnifique: il a cet incroyable feu interne.»
Il est impressionnant de constater que ces pierres ont été créées dans un environnement hostile, caractérisé par une chaleur et une pression extrêmes. Ils représentent une incroyable histoire de survie, depuis leur formation loin dans les entrailles de la Terre jusqu’à leur projection vers la surface lors d’éruptions volcaniques qui, dans certains cas, peuvent les modifier ou même les détruire. En étudiant les diamants, nous pouvons mieux comprendre les processus terrestres profonds. Dans ce cadre, ils ont une énorme valeur scientifique, ce que beaucoup de monde ignore.»
Taillés et polis
Une fois les diamants bruts extraits, ils sont triés et évalués en fonction de leur taille, leur couleur et leur clarté, puis ils sont envoyés à des diamantaires spécialisés qui les façonnent pour en faire un étincelant produit final. Les diamants naturels ont permis l’incroyable développement d’industries et de communautés depuis le XIIIe siècle, lorsque les premiers diamants connus ont été polis.
Rajiv Mehta est l’un des dirigeants de la société Dimexon Diamonds, basée à Mumbai, qui taille et polit chaque année un nombre incalculable de diamants bruts, dont beaucoup se retrouvent sur les plus belles montres du monde.
«Nous nous approvisionnons en diamants bruts et les façonnons pour un grand nombre de clients, explique-t-il. Il est vrai que de nos jours la technologie d’imagerie est utilisée pour tirer la meilleure valeur, mais le processus de sélection et d’acquisition implique néanmoins l’œil humain. Nous proposons des programmes de formation à l’ensemble de notre personnel, en recrutant des ouvriers non qualifiés et en les transformant en tailleurs de diamants compétents. Les diamants naturels, ainsi que l’industrie de la taille et du polissage des diamants qui en découle, ont eu un impact extrêmement bénéfique sur les communautés locales. Plus de 85% de notre personnel est composé de femmes, elles sont présentes à tous les niveaux de l’entreprise jusqu’à de nombreux postes de direction.»
Rajiv Mehta ajoute: «Nous menons des programmes environnementaux très sérieux, notamment en matière de recyclage et de maîtrise de l’eau.»
Les diamants naturels ont permis l’incroyable développement d’industries et de communautés depuis le XIIIe siècle, lorsque les premiers diamants connus ont été polis.
Alors que le monde revient à un semblant de normalité après le confinement mondial, la recherche de beaux diamants naturels se poursuit. Et ce désir de quête de la beauté naturelle fait partie de notre identité, comme l’explique le Dr Armstrong: «Les êtres humains utilisent des matériaux issus de la terre depuis qu’ils foulent sa surface. Il est important que nous le fassions de la manière la plus intelligente possible, en minimisant l’impact et en maximisant les avantages. Je n’ai jamais vraiment considéré cela comme un travail, car j’adore découvrir des diamants. La quête d’une découverte est incroyablement réjouissante.»
Un diamant est certes une belle pierre, mais aussi un véritable fragment d’histoire.