Planifier un héritage durable
La fermeture d’une mine marque un nouveau début, où l’écotourisme, les programmes de bourse éducatives et les financements des entrepreneurs créent une nouvelle richesse pour les communautés locales.
On en parle depuis des années, mais lorsque, le 3 novembre, le dernier chargement de minerai a quitté la mine d’Argyle en Australie occidentale et que la fermeture de cette mine de diamants est devenue réalité, l’attention s’est portée sur deux sujet : l’avenir des diamants de couleurs Argyle, admirés dans le monde entier, et le futur de la mine de Rio Tinto, vieille de 37 ans.
Un processus intensif de réhabilitation va commencer maintenant pour une durée de cinq ans, et les terres vont être rendues aux propriétaires historiques. La fin de la mine marque l’ouverture d’un nouveau chapitre de l’histoire d’Argyle. Une histoire d’héritage positif érigé en modèle pour les autres mines du monde, en montrant les avantages qu’une mine peut apporter aux communautés pendant sa durée de vie et au-delà.
La création d’entreprises gérés par des locaux, dans l’est Kimberley, est un exemple qui illustre l’héritage positif des mines. Une équipe qui recueille des graines de Bauhinia autour de la mine d’Argyle a créé une entreprise qui pourrait devenir un modèle commercial durable et entièrement autonome que d’autres communautés indigènes pourraient suivre en Australie occidentale. En une journée, le groupe peut collecter des dizaines de kilogrammes de graines provenant de plus d’une douzaine d’espèces végétales locales différentes, qu’il transporte et traite à 200 km au nord du site minier. Une fois qu’elles sont nettoyées, pesées et ensachées, les graines sont stockées dans une grainothèque géante, prêtes à la vente. Des échantillons sont testés pour vérifier leur viabilité dans un laboratoire de Perth. Ces entreprises écoresponsables ont un rôle à jouer dans la préservation de la biodiversité et dans la création d’emplois après la fermeture de la mine d’Argyle.
La planification de la fermeture commence avant même l’ouverture de la mine et reste un processus continu pendant toute la durée de vie de la mine. Dans le cas d’Argyle, les objectifs comprenaient la sécurité, l’utilisation future des terres, l’accès à l’eau, la protection de la biodiversité, et même la recherche sur les plantes et la végétation indigènes. Cela implique également le développement de ressources – par exemple sur l’utilisation des terres après l’exploitation minière – pour l’avenir des parties prenantes, en particulier les communautés locales qui ont été largement engagées dans les discussions autour de la fermeture d’Argyle.
La planification de la fermeture commence avant même l’ouverture de la mine et reste un processus continu pendant toute la durée de vie de la mine.
Argyle a lancé un programme novateur : « Life after Argyle ». Il vise à aider les employés à faire la transition, à se former pour trouver d’autres métiers, dans l’enceinte de Rio Tinto ou à l’extérieur. Les employés de la mine resteront occupés pendant encore plusieurs années après la fermeture de la mine, tant il y a de choses à faire. Étant donné que de nombreux travailleurs d’Argyle, comme de toutes les mines canadiennes, viennent des communautés locales et ont été formés par les sociétés minières à des compétences permanentes – comme électriciens, charpentiers ou mécaniciens par exemple – cela garantira l’emploi et les moyens de subsistance longtemps après la fermeture de la mine.
« En ce moment, dans le nord du Canada, des équipes étudient la possibilité d’utiliser de l’énergie solaire pour l’exploitation minière, » dit Allan Rodel, directeur du projet Venetia Underground. « L’objectif serait que les communautés locales dirigent ces centrales, pour qu’après la fermeture des mines ils puissent continuer à utiliser cette énergie. Nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour créer des projets à long terme, comme celui-là. Il ne s’agit pas simplement de fournir des financements, il faut former et donner du pouvoir décisionnel aux locaux. »
L’exploitation des diamants est un avantage crucial pour ces communautés locales, qui vivent dans des endroits isolés, n’ont pas facilement accès à des opportunités d’emploi, et n’ont pas beaucoup de ressources. Les sociétés minières font appel à la main d’œuvre locale et à ses connaissances approfondies du climat, de la faune et de l’environnement. En retour, ces sociétés offrent une multitude de possibilités en matière d’emploi, d’éducation, en les formant au leadership, en stimulant et en favorisant la création d’entreprises locales.
Dans le même esprit, le groupe De Beers a investi dans le programme Go To Market, en partenariat avec la Stanford Graduate Business School, qui forme une cinquantaine d’entrepreneurs venant de communautés minières du Botswana, de Namibie et d’Afrique du Sud. L’une des réussites de ce programme est la marque de boissons rafraîchissantes Just Ginger, créée par deux jeunes femmes botswanaises. Elles se sont inspirées de recettes traditionnelles pour faire naître cette boisson naturelle à base de gingembre. « Nous avons construit cette marque bio grâce à un financement que nous avons reçu l’année dernière, » dit Lebogang Mmono, la PDG de Just Ginger. « L’expérience a été très enrichissante. Nous avons pu échanger avec des personnes venant d’horizons très différents et partager avec eux de nombreuses idées qui ont contribuées au processus de développement. Je n’aurais pas eu cette chance sans le programme. Si j’ai une question sur le marketing, je sais que je peux la poser sur le groupe et j’aurai la réponse d’un expert dans la matière. » L’entreprise de Lebogang est maintenant prête à s’implémenter à l’international. « Je pensais que j’aurai besoin d’au moins cinq ans pour en arriver là mais ce sera possible dès l’année prochaine. D’ici 2021, j’exporterai vers l’Union Européenne pour vendre à des particuliers mais aussi à de plus grosses sociétés. » Ces initiatives et programmes ouvrent tout un nouveau monde de possibilités pour les générations à venir, comme c’est le cas au Botswana et dans les territoires du Nord-Ouest.
Les sociétés minières font appel à la main d’œuvre locale et à ses connaissances historiques en matière de climat, de faune et d’environnement.
La relation de confiance mutuellement bénéfique entre les populations locales et les sociétés minières est un élément essentiel lors des négociations avec les autorités locales ou les gouvernements avant qu’une mine puisse ouvrir ses portes.
L’accord de participation d’Argyle avec les propriétaires historiques, signé en 2004, est un exemple novateur de la manière dont le patrimoine culturel est protégé. Il a été qualifié d’accord le plus complet jamais conclu entre une société d’exploitation de ressources et des propriétaires fonciers indigènes en Australie. Cet accord reflète les aspirations de la mine de diamants d’Argyle et des propriétaires indigènes, ce qui permet de construire des bases solides pour créer des partenariats durables pendant et après l’exploitation de la mine.
Au cœur de ces recherches et de ces négociations se trouve la question primordiale de l’équilibre : minimiser les impacts sur l’environnement, la faune et la culture indigène tout en maximisant les avantages économiques, éducatifs, sanitaires et sociaux pour les communautés. Robert R McLeod, ancien premier ministre du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, explique comment les communautés locales ont joué un rôle déterminant dans les négociations avec les sociétés minières pour les avantages communautaires, tout en participant à des recherches environnementales et en octroyant des permis d’utilisation des terres et de l’eau. « Les mines de diamants permettent aux communautés indigènes d’accéder à l’économie tout en continuant à vivre de manière traditionnelle, par exemple en vivant de la terre si elles le souhaitent, » dit McLeod. C’est pourquoi les sociétés minières constituent la part la plus important de l’économie des Territoires du Nord-Ouest, en offrant de nombreuses possibilités d’emploi et d’entreprenariat.
Allison Rippin Armstrong, consultante en matière d’environnement, est experte dans la question délicate de l’équilibre entre des préoccupations environnementales, culturelles et économiques. Elle travaille en étroite collaboration avec les mines de diamants du Botswana et du Canada, ainsi qu’avec les populations autochtones des communautés minières. Elle explique que le Botswana a prospéré grâce à l’exploitation des mines de diamants et au fait que le gouvernement réinvestisse dans le pays et ses communautés locales, en construisant des routes, des écoles et des hôpitaux. La mine de Karowe a mis l’accent sur la formation du personnel et l’emploi au niveau local, si bien qu’aujourd’hui 99% de la main d’œuvre est botswanaise, y compris le directeur général de Karowe, une femme qui est née, a grandi et s’est formée au Botswana.
Le monde du diamant naturel s’engage à améliorer la vie des communautés locales, à travers des projets et des initiatives visant à créer des opportunités qui perdureront une fois les mines fermées. Debswana, un des leaders de la production de diamants situé au Botswana, a construit et gère actuellement plusieurs écoles primaires dans les communautés minières de Jwaneng et d’Orapa. Ces écoles sont ouvertes aux enfants des employés mais aussi aux enfants des résidents des villages alentour. Emily Mompe est institutrice dans une des écoles créées par Debswana, elle explique : « La mine nous a fourni des opportunités qui n’auraient jamais pu exister auparavant. Le Botswana est un pays en développement et les mines y ont un rôle important. Nous avons la chance d’avoir une grande bibliothèque qui contient des ordinateurs ainsi que des livres. Nos enfants y vont aussi pour faire de la musique, ils ont des opportunités que d’autres enfants n’ont pas. »
À travers toutes ces initiatives, nous pouvons conclure que l’éducation, que ce soit l’instruction primaire ou la formation au commerce et à l’entreprenariat, est primordiale pour espérer améliorer les conditions de vie des ouvriers et de leur famille, à la fois pendant la durée de vie de la mine, mais aussi au-delà. Les femmes sont très souvent au centre des préoccupations, car leur éducation est traditionnellement plus négligée, voire complètement inexistante. Au Canada, le groupe De Beers propose des bourses à 40 femmes afin qu’elles étudient des matières scientifiques à l’université, principalement à l’Université de Calgary. De plus, un partenariat avec WomEng permet de sensibiliser et d’informer les femmes au Botswana, en Namibie et en Afrique du Sud (pays où le groupe minier a des intérêts économiques) sur les possibilités d’études et de carrières scientifiques. Pour les Territoires du Nord-Ouest, la Mine Training Society, née d’une collaboration entre les mines de diamants, les différents gouvernements, plusieurs écoles et l’université d’Aurora, a développé des programmes d’apprentissage et de formation pour offrir aux habitants des opportunités et des compétences polyvalentes, nous explique McLeod. De nombreuses opportunités commerciales permettent aux entreprises de ces territoires de rester compétitives dans un environnement économique difficile. “Les programmes sociaux et éducatifs ont toujours fait partie de notre licence d’exploitation” ajoute Maxwell Morapeli, le responsable de la fermeture de la mine chez De Beers Canada. “Pendant l’exploitation, vous commencez à réaliser ces projets. Sur le plan environnemental, nous prévoyons toujours de compenser les perturbations et l’impact sur l’environnement, tout en réfléchissant à la manière dont nous allons récupérer l’eau, les terres, la stabilité et les rendre à leur utilisation finale. Avant d’ouvrir une mine on s’interroge toujours sur ce qui perdurera, les infrastructures, les compétences de la population ? Sera-t-il possible de transformer le site en centrale solaire ? Ou est-ce que le futur du territoire se trouve dans le tourisme ? Cela peut prendre cinq, dix voire vingt ans pour que le projet devienne réalité.”