Créer une force pour soutenir les mineurs artisanaux pour de bon
L’exploitation minière artisanale est une source de revenus essentielle pour de millions de personnes dans le monde. Il incombe à tous les acteurs de l’industrie, y compris les gouvernements et la société civile, de contribuer à l’amélioration des conditions de travail des mineurs dans ce secteur, estiment les principaux acteurs de l’industrie de la bijouterie.
Un groupe d’experts s’est mis d’accord sur l’absolu nécessité d’améliorer les conditions de vie de millions de personnes dans le monde qui travaillent dans le secteur de l’exploitation minière artisanale et de petite échelle (EMAPE). «All That Glitters» est un événement virtuel organisé par Initiatives in Arts and Culture (IAC) ayant rassemblé un certain nombre de personnalités du monde de la joaillerie et de l’industrie minière.
Selon Lisa Koenigsberg, présidente de l’IAC: «Notre objectif était de mettre l’accent sur la nécessité d’une pratique responsable dans l’ensemble de l’industrie minière et, en particulier, de positionner l’EMAPE dans ce contexte plus large tout en veillant à ce que l’attention soit portée sur les diamants en plus de l’or et des pierres de couleur.»
Le séminaire en ligne était animé par Christina Miller, consultante et cofondatrice de Ethical Metalsmiths, une organisation à but non lucratif qui cherche à accroître la prise de responsabilité dans le secteur de la joaillerie. Les intervenants comprenaient, entre autres: Cristina Villegas, directrice du programme Mines to Markets (“De la mine au marché”) de l’organisation internationale à but non lucratif Pact, Feriel Zerouki, vice-présidente senior des affaires générales du groupe De Beers et Conny Havel, responsable des chaînes d’approvisionnement et marchés de l’Alliance pour une Mine Responsable (ARM).
Le comité s’est accordé sur le fait que, bien qu’il y ait d’énormes défis à relever, ignorer les problèmes associés au secteur de l’exploitation minière artisanale et de petite échelle n’est pas une option. L’artisanat minier à petite échelle existe pour tout type de ressources extraites, comme l’étain, l’or et les pierres précieuses. Il existe de nombreux facteurs d’attraction et de répulsions pour les acteurs du secteur minier artisanal: les mineurs peuvent être des travailleurs agricoles saisonniers qui arrondissent leurs fins de mois pendant la saison sèche; des migrants chassés par des conflits ou des catastrophes climatiques ou encore de micro-entrepreneurs qui voient dans ce secteur un moyen de subsistance viable.
Les conditions dans les mines artisanales peuvent être très variées. Les petites mines peu profondes ne bénéficient pas de la même rigueur opérationnelle que les sites plus importants, si bien que les conditions de travail ne sont souvent pas suffisamment sûres et que les mineurs ne sont pas rémunérés équitablement pour le travail qu’ils accomplissent.
Selon les derniers chiffres, près de 43 millions de personnes dans le monde travaillent dans les mines artisanales, tous types d’exploitation confondus, ce qui représente environ 90% de l’ensemble des travailleurs des mines. Si l’on tient compte des personnes à charge des travailleurs des mines artisanales et de petite échelle, le nombre total de personnes qui dépendent de ce secteur est d’environ 150 millions. Ce secteur fournit donc des revenus indispensables dans certaines régions les plus défavorisées du monde.
«Le secteur minier artisanal fait partie de l’industrie et constitue la seule source de revenus pour de millions de personnes. Il est donc important de veiller à ce qu’ils ne soient pas laissés pour compte», déclare Feriel Zerouki du groupe De Beers.
«Il existe de nombreux défis, mais aussi d’énormes possibilités de réaliser des progrès significatifs en ce qui concerne les moyens de subsistance et les conditions de travail des mineurs artisanaux.»
L’exploitation minière artisanale et de petite échelle des diamants est beaucoup moins courante que dans d’autres secteurs, en raison d’un certain nombre de facteurs, en particulier le fait que la profondeur des cheminées de kimberlite où la plupart des diamants sont découverts est hors de portée des mineurs artisanaux. Néanmoins, la filière des mines artisanales représente entre 15% et 20% du secteur en volume et moins de 10% en valeur, et emploie près de 1,5 million de personnes, selon l’Initiative diamants et développement (DDI), une organisation à but non lucratif créée pour aider à formaliser le secteur. Il est donc impératif de garantir la sécurité et l’équité à tous les niveaux de l’extraction des diamants, et la mission de la DDI consiste à s’assurer que les mineurs artisanaux soient bien traités et que les mines n’emploient pas d’enfants ou n’opèrent pas dans des zones de conflit.
«Le groupe De Beers a lancé GemFair dans le but de créer une voie d’accès sûre et transparente au marché pour les diamants extraits de mines artisanales et à petite échelle de manière éthique, afin de favoriser le développement du secteur en tant que source d’approvisionnement en diamants sérieuse et fiable.»
GemFair est un programme de gestion de l’approvisionnement en diamants provenant de mines artisanales créé par le groupe De Beers afin de garantir le respect de l’éthique et d’offrir une voie d’accès sécurisée au marché grâce à l’innovation numérique. GemFair soutient les mineurs artisanaux en les encourageant à respecter des pratiques de travail sûres et éthiques et a développé un modèle d’approvisionnement responsable basé directement sur le Guide de diligence raisonnable pour des chaînes d’approvisionnement minérales responsables de l’OCDE, les principes de bonnes pratiques du groupe De Beers et d’autres normes de bonnes pratiques en matière d’approvisionnement dans le secteur artisanal. GemFair a développé une solution numérique, qui comprend une application dédiée, une tablette et un kit contenant des sacs à diamants inaltérables munis d’un QR code. Cette démarche permet d’enseigner aux mineurs comment obtenir un prix équitable pour leurs diamants et d’assurer la traçabilité des diamants issus de l’EMAPE depuis la mine jusqu’au marché. GemFair intervient d’abord en Sierra Leone, un pays qui a déjà fait de grands progrès dans la formalisation du secteur de l’EMAPE, et souhaite s’étendre à d’autres pays.
Ferial Zerouki poursuit: «Le groupe De Beers a lancé GemFair dans le but de créer une voie d’accès sûre et transparente au marché pour les diamants extraits de mines artisanales et à petite échelle de manière éthique, afin de favoriser le développement du secteur en tant que source d’approvisionnement en diamants sérieuse et fiable. En permettant aux mineurs d’exploitations artisanale et à petite échelle d’accéder au réseau de distribution de De Beers, leader du secteur, en offrant des prix équitables et en travaillant avec des ONG pour améliorer les normes, nous espérons que GemFair pourra continuer à jouer un rôle clé dans l’amélioration du secteur artisanal.»
GemFair prévoit également de remettre en état les zones exploitées une fois les activités minières achevées. Le projet envisage de travailler avec les mineurs afin de sélectionner des travailleurs pour remblayer les anciennes zones minières et de déterminer avec les dirigeants de la communauté la meilleure utilisation des terres, qu’elles soient réensemencées, rendues à la nature ou utilisées comme terres agricoles ou pour des logements, selon les besoins de la région.
L’industrie du diamant a compris depuis longtemps la nécessité de travailler avec le secteur parallèle. L’Antwerp World Diamond Centre (AWDC), l’organisation représentative officielle du secteur du diamant belge, travaille depuis des années avec les mineurs artisanaux. Le projet My Fair Diamond, débuté en 2015, présente une gamme de bijoux fabriqués avec des diamants certifiés Maendeleo Diamond Standards (MDS) provenant de mines EMAPE en Sierra Leone.
Le AWDC s’est maintenant fixé l’objectif ambitieux de créer une chaîne d’approvisionnement entièrement traçable de diamants éthiques extraits de mines artisanales en République de Guinée, en Afrique occidentale. Il soutient des projets de développement locaux et travaille avec des ONG locales pour aider à maintenir les normes dans les mines. L’objectif est de produire une source régulière de diamants extraits de manière artisanale et conformes au Maendeleo, qui seront disponibles pour le commerce à Anvers.
Bien que l’EMAPE soit relativement peu important dans le secteur des diamants, l’industrie s’intéresse de près à la manière dont d’autres formes d’exploitation minière abordent la question. Les pierres gemmes de couleur, telles que les saphirs et les améthystes, sont la plupart du temps extraites par des mineurs artisanaux. Cristina Villegas, de l’ONG Pact, a co-créé Moyo Gems, un programme qui travaille avec des femmes artisans mineurs de pierres gemmes en Tanzanie.
«Les gemmes de couleur sont généralement beaucoup plus proches de la surface que les diamants, de sorte que l’EMAPE représente un pourcentage beaucoup plus élevé, entre 80 et 90% du marché, indique Cristina Villegas. Le secteur de l’exploitation minière artisanale et de petite échelle est une ressource vitale pour des millions de familles et l’approche doit être la même quelle que soit l’activité minière. Nous devons créer des partenariats pour encourager les mineurs à respecter les normes de sécurité et veiller à ce qu’il soit dans l’intérêt financier de tous que les bonnes pratiques de travail et les normes éthiques soient respectées.»
L’industrie minière dans son ensemble tend à avoir un effet sur l’EMAPE, mais il reste encore beaucoup à faire et l’engagement est essentiel, selon Conny Havel d’ARM. «L’EMAPE est désormais à l’ordre du jour et de plus en plus de monde en parle, mais il reste bien entendu de très grands défis à relever encore», déclara-t-elle.
Puis d’ajouter: «De nombreuses entreprises évitent de s’engager avec la filière artisanale parce que s’approvisionner dans ce secteur est plus coûteux et plus difficile. Mais cet engagement est la condition la plus importante pour susciter un changement positif et nous invitons l’industrie à faire encore plus campagne pour l’inclusion des mineurs artisanaux et de petite échelle afin de soutenir ce secteur dans le monde entier.»
Tous les membres de la conférence ont convenu que l’engagement de l’ensemble de l’industrie par le biais de partenariats locaux durables est essentiel pour garantir que les mineurs EMAPE puissent travailler dans des conditions sûres et recevoir un salaire qui reflète la valeur de leur travail.