Une Mission Extraordinaire ! 

En Namibie, les fabricants de diamants sont en train de sauver les manchots du Cap.

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Liezl handling an African Penguin chick courtesy of Namdeb

Diamants et pingouins ont rarement la chance de se croiser, mais le long de la côte sud-ouest de la Namibie, les deux se côtoient dans le cadre d’une mission extraordinaire. Alors que la conservation des oiseaux marins devient essentielle, l’industrie du diamant naturel se mobilise pour protéger les populations menacées de manchots du Cap.

Cette initiative émane de Namdeb, un partenariat minier novateur entre De Beers et le gouvernement namibien. Dans le cadre d’un projet inédit, ils ont investi de l’argent, du temps et de l’énergie humaine dans la protection des populations d’oiseaux marins endémiques à la Namibie et à l’Afrique du Sud.

Un Fou du Cap. Photo publiée avec l’aimable autorisation de J Kemper.

Si vous avez la chance de voir un manchot du Cap, vous pourrez constater qu’ils sont bien plus petits que les manchots de l’Antarctique que vous avez surement déjà vu dans un zoo. Pesant en moyenne 2 ou 3 kilos, les manchots du Cap sont de très bons nageurs, qui ressemblent beaucoup aux autres manchots, à l’exception des tâches roses situées entre leurs yeux et leur bec (par temps froid, les tâches deviennent plus brillantes et plus roses.) Alors qu’ils se comptaient autrefois par millions, les manchots sont menacés par le réchauffement des eaux, la surpêche et la perte de leur habitat.

« Les manchots du Cap sont ce que nous appelons des indicateurs, » explique Carolin Murtowa, conseillère technique pour l’Association Namibienne de Gestion Communautaire des Ressources Naturelles (CBNRM). En effet, ils se trouvent au centre d’un écosystème complexe, à la fois terrestre et marin, contribuant à maintenir l’équilibre des algues dont dépendent d’autres oiseaux marins. Comme ils se nourrissent de sardines, d’anchois et de harengs leur comportement alimentaire contribue également à faire remonter les bancs de poissons afin que les autres oiseaux puissent se nourrir. Lorsque la population de manchots du Cap fluctue ou diminue, la biodiversité de leur habitat, c’est-à-dire l’équilibre naturel entre les plantes, les animaux et les nutriments, peut être déséquilibrée.

« IL NE S’AGIT PAS QUE D’UNE QUESTION ENVIRONNEMENTALE. C’EST AUSSI UN MOYEN DE RASSEMBLER LA COMMUNAUTE ET DE TRAVAILLER ENSEMBLE. »

Ces dernières années, les études sur la santé des manchots ont fait prospérer la recherche et le financement pour résoudre les problèmes de surpêche et de réchauffement climatique. Les oiseaux marins peuvent également être des baromètres pour des maladies telles que la grippe aviaire, ce qui signifie qu’ils peuvent alerter les organisations mondiales de santé, contribuant ainsi à la mise en place de mesures de prévention dans le monde entier. Nora Ndopu, directrice de la fondation Debmarine-Namdeb, qui relie Debmarine Namibia et Namdeb à des associations de préservation, ajoute : « La NAMCOB,Namibian Foundation for the Conservation of Seabirds (fondation namibienne pour la conservation des oiseaux de mer), nouvellement créée, mettra également l’accent sur la connaissance des océans pour les communautés qui vivent et travaillent à proximité de l’habitat des oiseaux de mer”.

Une sterne huppée. Photo publiée avec l’aimable autorisation de J Kemper.

Comme le soulignent Ndopu et ses collègues, il est beaucoup plus facile pour les gens de lutter pour la protection des manchots lorsqu’ils savent comment ces animaux contribuent à la protection et à l’amélioration de leur propre environnement. Selon Angus Middleton, directeur de la Namibian Nature Foundation, il ne s’agit pas seulement d’une question environnementale. C’est aussi un moyen de rassembler la communauté. « Cela permet de faire avancer le processus démocratique, » explique-t-il. « Nous nous efforçons de nous organiser en nous adressant directement aux locaux. Après tout, l’environnement est aussi notre maison. »

Les employés de Namdeb sont formés par Nicky Stander, responsable de la conservation à la Southern African Foundation for the Conservation of Coastal Birds (fondation d’Afrique australe pour la conservation des oiseaux côtiers), également appelée SANCCOB. La formation dure environ une semaine et se concentre sur l’auscultation, le traitement et la remise en liberté des oiseaux marins désorientés par des conditions météorologiques inhabituelles, de fortes tempêtes ou simplement par leur curiosité naturelle. « Nous apprenons aux équipes comment stabiliser [un manchot] en lui prodiguant tous les soins nécessaires pour l’hydrater correctement, nous enseignons aussi le toilettage pour les aider à rester propre pendant leur convalescence, » explique Stander. La SANCCOB dispense également une formation de base sur les marées noires, au cas où des oiseaux impactés s’échoueraient sur le rivage. Selon Dene Kisting, responsable de l’environnement à Namdeb, « je suis fière de faire cela ! La formation m’a montré l’importance de ces espèces pour l’avenir de cet écosystème. »

Julien et Abisai en train d’hydrater un goéland dominicain. Photo publiée avec l’aimable autorisation de Namdeb. 

À la fin du cycle de vie d’une mine, les terrains se remplissent naturellement d’eau et de plantes, offrant ainsi des habitats supplémentaires, des sites de nidification et des points d’eau pour les oiseaux marins endogènes. Cela signifie qu’en plus des manchots du Cap, les futurs sites miniers accueilleront des sternes, des grèbes à cou noir et des cormorans du Cap, un oiseau noir luisant en voie de disparition qui se nourrit de lançons et ressemble à un très joli canard. « C’est tout à fait phénoménal, » déclare Liezl Maritz à propos du programme, précisant qu’elle aperçoit de plus en plus fréquemment des vols d’oiseaux sauvages dans sa région.

Un grand avantage ? Des études montrent que l’observation d’oiseaux dans leur environnement naturel peut améliorer la concentration, réduire le stress et avoir des effets bénéfiques à long terme sur la santé mentale. Ainsi, tandis que les communautés minières de Namibie aident à leur conservation, les oiseaux eux-mêmes peuvent améliorer le bien-être de ceux qui les aident, créant ainsi une « boucle de bienveillance » où les hommes et les animaux peuvent s’épanouir grâce à un seul et même objectif.

Un manchot du Cap. Photo publiée avec l’aimable autorisation de J Kemper.

Alors que la conservation des oiseaux marins et la sensibilisation à leur préservation dans la société namibienne semblent être une réussite ; les défenseurs de l’environnement ont une seule exigence : pas de selfies. Ces clichés apparemment inoffensifs peuvent perturber les habitats des manchots, créer du stress pour les animaux et même nuire à leur santé. Autres conseils pour aider les manchots : choisissez votre poisson de la manière la plus responsable possible et réduisez le plastique à usage unique, comme les tasses à café jetables et les pailles, qui peuvent se retrouver sous forme de microplastiques dans l’océan.

Lorsque nos petits efforts du quotidien sont combinés à des actions plus importantes telles que celles de Namdeb, les oiseaux marins comme le manchot du Cap peuvent prospérer sur la côte namibienne. Cette action se répercute sur d’autres communautés productrices de diamants et sur des groupes de protection de la nature, ce qui peut avoir un effet positif sur l’environnement – et sur nos amis les manchots.